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La saga des brasseries artisanales de Valence : Quand la mousse défie les âges

20/09/2025

De la bière médiévale à la renaissance du houblon : les origines de la brasserie à Valence

À première vue, on pourrait croire que Valence, perchée paisiblement sur les rives du Rhône, est une ville à vins par excellence. C’est oublier un peu vite une longue et savoureuse tradition brassicole qui, si elle n’a jamais autant fleuri que la vigne, a pourtant traversé les siècles et forgé un pan secret du patrimoine local. Quand on explore les ruelles qui serpentent du centre ancien à la périphérie, on devine derrière certaines façades l’empreinte discrète, mais tenace, d’un savoir-faire brassicole jalousement transmis.

Les plus anciennes traces de brasseries valentinoises remontent au Moyen Âge, une époque où la bière tenait parfois lieu d’eau potable — pas que pour la fête, croyez-moi ! Garants de leur recette, les monastères locaux auraient, selon les historiens régionaux, joué un rôle clef dans la diffusion des premières bières (cf. Olivier Faure, "L’histoire de la bière en Rhône-Alpes", Revue d’Histoire Moderne & Contemporaine). Au XIX siècle, avec l’essor industriel, Valence voit naître ses premières brasseries commerciales. Les archives municipales citent notamment la famille Dufour, brasseurs installés rue Madier de Montjau dès 1857, et la Brasserie de l’Industrie, emblème local jusqu’aux années 1930.

  • 1857 : fondation documentée de la Brasserie Dufour.
  • 1912 : la Brasserie de l’Industrie emploie plus de 25 ouvriers.
  • Années 1940 : disparition progressive sous l’effet de la guerre et de la concentration des industriels.

Entre guerres et mutations : les défis d’hier

La première moitié du XX siècle n’a pas franchement été tendre avec les brasseries locales. Dès la Grande Guerre, la pénurie de matières premières (malts, houblons importés pour beaucoup d’Allemagne ou de Bohême) frappe de plein fouet la profession. Bien vite, les brasseurs valentinois adoptent des solutions alternatives comme le sorgho ou le maïs, parfois au grand dam des amateurs attachés à la « vraie » bière. C’est aussi l’époque où la pasteurisation fait son apparition, révolutionnant la conservation mais bouleversant les habitudes (source : Brasseurs de France, "La bière au XX siècle").

Quelques chiffres illustrent le séisme de l’époque :

  • En 1920, plus de 12 brasseries enregistrées à Valence contre à peine 3 en 1950.
  • La part du marché local cède du terrain aux grandes maisons lyonnaises et alpines, à l’image de la Brasserie La Dauphine.

Pendant la guerre, nombre de brasseurs reconvertissent leur activité (limonade, vinaigre), ou ferment boutique. D’autres, têtus, bravent les difficultés, réduisent leur production, s’accrochent aux traditions et distillent le lien social autour de leur comptoir.

Réinventions et résistances : l’audace artisanale dans la Drôme

Alors que certains prédisaient la fin du brassage valentinois, la résilience locale a su faire mentir les pronostics. Dès les années 1980, une vague nouvelle, emmenée par des passionnés revenus d’Angleterre ou de Belgique, réintroduit des méthodes artisanales presque disparues : fermentation ouverte, houblon local, malt régional…

La microbrasserie devient à la mode, mais ici, tradition rime avec innovation. Ces pionniers, parfois autodidactes, investissent d’anciens garages ou des caves pour redonner saveur à la bière valentinoise. La Brasserie des Trois Becs, par exemple, relance en 1987 une production de bières de garde qui deviendra l’une des premières références artisanales du secteur. Un autre exemple : la Brasserie du Val d’Olivier, active depuis 1996, créera la fameuse « Bière des Rois » médaille d’or au Salon de l’Agriculture 2001 (source : Le Petit Futé - Drôme).

  • 1985 : ouverture de la première microbrasserie à Valence depuis l’après-guerre.
  • Début des années 2000 : plus de 7 brasseries artisanales recensées dans la communauté d’agglomération.
  • 2023 : 13 brasseries référencées par France Bière Challenge dans l’aire valentinois (hors Drôme provençale).

Le secret des brasseries historiques : transmission et adaptations continues

Si les brasseries artisanales historiques valentinois ont traversé les tempêtes, ce n’est pas qu’une histoire de recettes tenues secrètes ou de tonneaux patinés par le temps. C’est surtout une affaire de transmission — familiale ou amicale — et de capacité constante à s’adapter.

Transmission, la bière comme héritage vivant

Beaucoup des brasseurs actuels revendiquent un lien direct avec les générations précédentes. Chez certains, la passion s’est transmise par le biais d’un grand-parent qui brassait « dans le fond du jardin », chez d’autres par des carnets de notes retrouvés miraculeusement dans un grenier. Ces récits ne sont pas qu’anecdotes : ils forgent un imaginaire collectif et ancrent la bière locale dans le patrimoine gourmand de Valence, à l’égal des pognes ou des caillettes.

Adaptation, ou l’art subtil de ne pas passer de mode

Face à la standardisation des goûts imposée par l’industrie, les brasseries artisanales de Valence ont souvent fait le choix de la différenciation :

  • Emploi de levures sauvages endémiques pour rappeler des arômes uniques.
  • Mise en avant de malts drômois ou ardéchois, parfois issus de l’agriculture biologique.
  • Création de bières éphémères selon les saisons (bières houblonnées pour l’été, brunes de Noël pour l’hiver).

De plus, la relation entretenue par ces brasseurs avec leur clientèle a changé la donne : dégustations pédagogiques, tables rondes, participation à des marchés paysans… autant de moyens de réenchanter la consommation locale.

Petites anecdotes et grands faits : les brasseries de Valence en histoires

Impossible de parler de l’histoire brassicole valentinoise sans quelques histoires croustillantes ! Qui se souvient du pari fou lancé un soir de 1989 à la Brasserie Les Deux Ponts ? Le brasseur, piqué au vif par un client belge, se donna 48h pour élaborer une triple digne de la Trappiste Westmalle. Verdict : un franc succès, et une recette jamais reproduite… ou presque !

Autre fait marquant : en 2015, une microbrasserie du centre-ville fut la première de la région à collaborer avec une coriandre sauvage du Vercors, donnant naissance à une « blanche » qui fit parler d’elle jusqu’à la Foire de Lyon. Certains patrons de brasserie, eux, se sont même improvisés historiens, allant jusqu'à collecter des affiches anciennes ou des capsules millésimées aujourd’hui fièrement exposées lors d’événements comme le Salon Valence en Mousse.

Entre ancrage local et ouverture sur le monde : le nouveau souffle des brasseries valentinoises

Si l’on devait résumer l’histoire des brasseries artisanales de Valence, ce serait celle d’un aller-retour permanent entre racines profondes et ouverture à l’innovation. Aujourd’hui, les brasseurs du coin s’engagent :

  • Dans des circuits courts, pour valoriser les producteurs locaux de céréales et houblons.
  • Dans l’accueil des visiteurs, avec la montée du tourisme brassicole — on comptait près de 9 000 visiteurs lors du Valence Beer Festival 2023 (source : Le Dauphiné Libéré).
  • Dans les collaborations européennes, comme la Bière des Deux Rives produite conjointement avec une brasserie de Tarragone, Espagne.

En parallèle, la digitalisation s’invite peu à peu, avec des ventes en ligne, des ateliers de brassage filmés et une communication active sur les réseaux sociaux, renforçant la présence de Valence sur la carte des amateurs de bières artisanales.

Au fil des décennies, ces brasseries historiques ont su conjuguer héritage, innovation et convivialité. Elles prouvent, chaque jour, que la tradition n’est jamais figée, mais se construit et se savoure, gorgée après gorgée, génération après génération… Que vous soyez néophyte ou amateur éclairé, il y a fort à parier qu’une visite dans ces établissements suscitera la même envie : lever le coude (avec modération !) et saluer ceux qui font vivre la bière à Valence, hier, aujourd’hui et demain.

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