brasserielavalentinoise.fr

Brasseries artisanales à Valence : voyage aux sources d’une révolution mousseuse

12/09/2025

Un parfum houblonné d’histoire : Valence avant la vague artisanale

Il n’a pas toujours coulé de la bière drômoise sous les ponts du Rhône ! Longtemps, Valence a vécu à l’heure du vin, grenache et syrah à la main, pendant que la bière restait cantonnée aux grandes marques nationales. Pourtant, la cité drômoise recèle une histoire brassicole bien plus ancienne – même si elle s’est faite discrète, tapie dans l’ombre des fûts de vin.

Dès le Moyen Âge, on trouve trace d’activités brassicoles modestes, initiées par des communautés religieuses : moines bénédictins et autres ordres installés le long de la vallée du Rhône brassent une « bière de ménage », destinée à la consommation quotidienne. Les archives communales évoquent quelques petits cabaretiers brasseurs dès le XVI siècle, mais Valence, assez éloignée des bassins céréaliers majeurs, reste d’abord une ville de vin.

Ce n’est qu’au XIX siècle que s’imposent, comme partout en France, les brasseries industrielles, surfant sur la démocratisation des techniques de fermentation basse et l’arrivée du chemin de fer. La brasserie Bonnardel, créée en 1856 (source : archives municipales de Valence), devient un pilier local, brassant jusqu’à 12 000 hectolitres par an à l’aube du XX siècle.

La disparition… puis la renaissance du goût local

Après la Seconde Guerre mondiale, la tendance nationale s’inverse : rationalisation, regroupements, fermeture des petites structures. À Valence, la dernière grande brasserie historique ferme ses portes en 1967 — et la bière drômoise entre dans un sommeil de près de trois décennies. Il faudra attendre le début des années 1990 pour que la mousse artisanale recommence à chanter dans les verres valentinois.

La microbrasserie à Valence : du pionnier à la vague

L’artisanat mousse dans les années 90

La première brasserie artisanale contemporaine de Valence nait timidement en 1994 : il s’agit de La Brasserie de l’Europe, ouverte par des passionnés cherchant à reproduire l’esprit des pubs de Belgique ou d’Alsace. Locaux modestes, matériel rustique, recettes expérimentales… L’activité démarre doucement, autour d’un public d’initiés et de curieux amateurs.

Mais il faut patienter jusqu’au début des années 2000 pour assister à une véritable éclosion. L’essor du mouvement « craft » venu du Royaume-Uni et des États-Unis déferle enfin sur la Drôme : Brasserie du Sud (Montélier, 2002), Brasserie La Valentin (2010, à Valence même) puis Brasserie L’Agrivoise dans l’Ardèche voisine… Chaque ouverture marque un nouveau jalon dans la conquête locale du houblon.

  • 1994 : Ouverture de la Brasserie de l’Europe
  • 2002–2010 : Naissance de la Brasserie du Sud, Brasserie La Valentin, multiplication des « brasseries à la ferme ».
  • 2024 : On compte désormais plus de 12 microbrasseries à moins de 30 km de Valence (source : Annuaire France Bière).

Mais pourquoi maintenant ? Les ingrédients d’une renaissance

  • Retour au local : Désir d’authenticité et de produits de terroir, accompagnant la vague bio et le renouveau de la gastronomie régionale.
  • Marasme du marché industriel : Grandes marques jugées fades par une nouvelle génération d’amateurs friands d’expérimentation.
  • Effet festival : Émergence d’événements comme le (lancé en 2014) qui met en lumière les acteurs locaux (source : France 3 Auvergne-Rhône-Alpes).

Des pionniers et des recettes (vraiment) locales

Si des influences alsaciennes ou belges sont notables dans les premières recettes, les brasseurs valentinois se sont rapidement tournés vers leur terroir. Blé de la plaine drômoise, miel du Vercors, lavande du plateau : la bière drômoise devient l’ambassadrice de saveurs inattendues.

  • La Valentin Blonde (première bière sous cette marque, 2010) utilise de l’orge cultivé à 20 km au nord de Valence.
  • Bière de la Drôme Provencale : brassée une fois l’an avec des fleurs de lavande (Brasserie du Sud, 2015), souvenir parfumé du terroir.
  • Rouquine au Miel (Brasserie de l’Europe) : miel toutes fleurs provenant d’un apiculteur valentinois, 7,5% d’alcool, primée au concours régional 2018.

Selon la Chambre d’Agriculture de la Drôme (données 2022), 65% des brasseries locales utilisent aujourd’hui au moins un ingrédient local dans leurs brassins réguliers, alors qu’elles n’étaient que 10% en 2005. Cette volonté d’ancrage explique sans doute une partie du succès.

Brasseries au féminin, reconversions et néo-ruraux : la nouvelle garde drômoise

La scène artisanale valentinois, c’est aussi l’histoire de parcours inattendus : ingénieurs en reconversion, anciens chefs cuisiniers, néo-ruraux en quête de sens… La Brasserie de la Pleine Lune (Chabeuil, 2011), fondée par une ancienne informaticienne, s’est hissée parmi les pionnières du bio et prône la parité dans ses équipes.

Citons aussi la Brasserie Irvoy à Grenoble (fondée par un Valentinois en 2016), ou la microbrasserie « Les Bulles de la Belle Étoile » – mélange de poésie et de mousse, fondée par deux amis astronomes.

L’innovation, moteur (et carburant) de la nouvelle génération

  • Bière vieillie en barrique ayant contenu de la Clairette de Die : un clin d’œil à la tradition viticole, testée en 2018 par la Brasserie Valent.
  • Expérimentations sur les levures plongées dans le mistral, pour tester l’influence du vent local sur la fermentation (Brasserie la Drômoise – étude relayée par en 2022).
  • Production collaborative : certaines bières saisonnières sont conçues en partenariat entre plusieurs brasseries valentinois, pour mutualiser savoir-faire et matières premières.

Valence aujourd’hui : des bières, des festivals… et une identité à retrouver

La dynamique de Valence ne se limite plus à quelques pionniers : le nombre de microbrasseries et de bars à bières indépendants a explosé. On recense désormais (source : Annuaire France Bière 2024) :

  • 10 microbrasseries intra-muros ou dans la première couronne urbaine
  • 3 bars à bières classés « spécialités locales »
  • 2 festivals consacrés exclusivement à la bière artisanale, sans oublier huit événements gastronomiques l’incluant au moins partiellement

En 2022, la brasserie valentinois moyenne a produit 290 hectolitres sur l’année, soit plus du triple de la production par brasserie en 2010 dans la région. Pour donner un ordre d’idée : c’est assez pour servir près de 60 000 demis à la pression… ou irriguer de mousse les terrasses de la ville tous les soirs de la belle saison.

Bulles d’avenir : ce que l’histoire des brasseries artisanales de Valence nous apprend

De quelques aventuriers du houblon à la profusion hétéroclite d’aujourd’hui, la scène brassicole Valentinois n’a cessé de muter, s’inspirant du passé mais aussi de l’audace de ses brasseurs. Trois leçons sont à retenir :

  1. L’histoire brassicole de Valence est cyclique et collective, faite de pionniers et de renaissances ;
  2. L’innovation (tant dans les recettes que dans les modèles économiques) est la clé de la vitalité ;
  3. Le lien au terroir, que ce soit dans les ingrédients ou l’esprit « convivialité locale », reste la meilleure arme pour résister aux grands groupes industriels.

Alors que le paysage brassicole continue d’évoluer, nul doute que Valence a encore de nombreuses bulles à faire éclater – entre patrimoine retrouvé et joyeuses innovations à venir. Affaire à suivre, verre en main !

En savoir plus à ce sujet :