brasserielavalentinoise.fr

Valence à la croisée des bulles : comment les brasseries et les caves à vin locales tissent leur histoire

07/10/2025

Petite histoire de la bière à Valence : les pionniers oubliés

On parle souvent d’Alsace ou du Nord comme terres de brasseurs. Pourtant, Valence a elle aussi ses heures de bières, et même ses figures emblématiques. Dès la fin du XIX siècle, on recense plusieurs brasseries artisanales et industrielles à Valence, notamment la Brasserie de la Gare (fondée en 1883) – qui profitait du dynamisme ferroviaire, ou plus tard la Brasserie Valentinienne, célèbre jusque dans les années 1950 (Source : Gallica BNF).

L’essor du rail n’est pas un hasard : il rapprochait Valence de ses fournisseurs d’orge et de houblon, mais aussi de ses “collègues” vignerons, eux aussi tributaires de la logistique et du stockage. Dans les journaux d’époque, il n’était pas rare de voir les familles de brasseurs et de négociants en vin mentionnées dans les mêmes cercles d’affaires, et parfois… à la même table !

Des caves à vin ancestrales… mais pas si étrangères à la bière

S’il fallait établir l’inventaire des caves à vin et des négociants de Valence, la liste serait longue… et intime. Citons par exemple la Maison Chapoutier, installée à Tain-l’Hermitage depuis 1808, ou la fascinante Cave de Tain, véritable institution régionale. Historiquement, ces caves ne se cantonnent pas à l’élevage du vin : elles ont parfois aussi servi de lieux d’entreposage pour les bières locales. La température constante, l’humidité maîtrisée, ces critères que chérissent les tonneaux de Syrah, faisaient aussi le bonheur des fûts de bière, importés ou brasses sur place (Source : France 3 Rhône-Alpes).

Une curiosité : jusque dans les années 1930, il était courant que certaines familles valentinoises possèdent à la fois des vignes et… une brasserie ! À l’image de la famille Arnaud, qui tenait cave et brasserie dans le quartier de la Garenne. Preuve s’il en fallait que la frontière fut longtemps poreuse entre caverne à vin et atelier à bières.

Là où le vin rencontre la bière : échanges, inspirations et convergences

Des savoir-faire qui dialoguent

L’art de brasser et l’art de vinifier partagent bien plus qu’une levure ! Certes, la culture de la vigne et l’élaboration de bières possèdent leurs propres rites, mais à Valence, la proximité géographique, la logique de circuits courts, et un terroir partagé ont favorisé de véritables échanges de savoir-faire. On note trois points d’intersection majeurs :

  • Les contenants : Barriques de chêne, fûts en inox ou amphores en céramique… De nombreux brasseurs valentinois se sont inspirés de leurs voisins vignerons pour adopter des méthodes de garde et d’affinage utilisant d’anciens fûts de vin (notamment ceux provenant des caves de Cornas ou de Saint-Péray).
  • Les méthodes de fermentation : L’intérêt croissant pour les bières sour (acidulées) a vu bon nombre de brasseries locales collaborer avec des œnologues ou des maîtres de chai, empruntant des gestes traditionnellement dévolus à la vigne.
  • La culture du terroir : Ici, on revendique souvent l’appartenance aux sols de galets ou d’argiles, tant chez le vigneron que le brasseur. Plusieurs brasseries jouent désormais sur les associations avec des ingrédients locaux issus… des mêmes terroirs que les domaines viticoles voisins.

Des collaborations anciennes et récentes

À partir des années 2010, les brasseries artisanales de Valence refont surface. Certaines, comme la Brasserie du Sud ou la Brasserie de la Pleine Lune à Chabeuil, multiplient les expérimentations : vieillissement de bières en barriques de Crozes-Hermitage, élaboration d’assemblages, ou édition limitée brassée avec des lies de vin.

Cette tradition d’entraide n’est pas un mythe : le Festival Vin & Houblon, organisé depuis 2017 dans la région Valentinoise, n’est qu’un exemple de ces ponts. En 2023, il a accueilli plus de 4000 visiteurs et une dizaine d’acteurs locaux du vin et de la bière ont proposé des “accords osés” (Source : Le Dauphiné Libéré).

Quand la cave se fait brasserie (et inversement) : anecdotes locales

Certains établissements valentinois brouillent la frontière : à Saint-Marcel-lès-Valence, La Cervoisière propose bar à vins et bar à bières sous le même toit depuis 2002, avec même des sessions de “dégustation croisée” commentée.

  • Une anecdote savoureuse : en 2016, la Brasserie Les Trois Becs a élaboré une bière “Vin de Table”, affinée quatre mois dans des tonneaux de marsanne ayant contenu du Saint-Joseph. Un clin d’œil à la filiation… et au goût des alliances inattendues !
  • D’autres caves valentinoises accueillent régulièrement des “brasseurs invités”. C’est le cas récemment de La Cave de la Pierre, qui vend désormais au comptoir des bières vieillies en fûts de Condrieu.

Si la transition inverse existe moins (peu de vignerons se mettent à la bière, hormis quelques passionnés comme à Crozes-Hermitage), il n’est pas rare de trouver un caviste qui conseille aussi bien une IPA locale qu’un Syrah côté Rhône.

Économie et dynamique locale : chiffres clés et retombées

Selon la Fédération Française des Brasseurs Indépendants, on compte en 2023 plus de 13 brasseries artisanales actives dans le bassin valentinois (Source : FFBIA). Côté vin, la Drôme héberge plus de 400 vignerons professionnels et une trentaine de caves coopératives.

L’enjeu économique est donc réel. Au-delà du tourisme œnologique, la “beer-trail” locale attire chaque année plus de 2000 visiteurs amateurs de dégustation mixte (selon l’Office de Tourisme de Valence Romans Agglo). De nombreux bars et restaurants de la ville proposent systématiquement à la carte des bières locales à côté des crus de l’Hermitage ou de la Clairette de Die.

  • 20 % des bars/restaurants indépendants valentinois proposent aujourd’hui des accords mets-bières-vin (source : enquête Bulles Valentinoises 2023 sur 54 établissements interrogés)
  • La part de marché de la bière artisanale locale dans la vente en caviste a cru de +13 % de 2019 à 2022 d’après l’Association des Cavistes Drômois

Ce que cela dit de Valence ? Que la synergie n’est plus une simple anecdote, mais un levier pour l’économie et l’image de la ville.

Une culture commune du goût et de la convivialité

Ce qui relie fondamentalement vins et bières à Valence, c’est cette amour du partage. Les rendez-vous gourmands battent leur plein, de la Fête de la Gastronomie à la Semaine de la Bière, et la population locale est friande de découvertes.

Sur le terrain du goût, beaucoup de brasseurs tirent leur inspiration de la richesse aromatique du vin local : houblons mosaïque évoquant des arômes d’abricot comme dans certains blancs du Vercors, bières aux baies de raisin pressées à froid, essais de fermentations mixtes mêlant levures du vin et levures brassicoles… la frontière s’estompe.

  • Plusieurs brasseries proposent des ateliers de dégustation croisée bière-vin, animés conjointement par brasseurs et sommeliers
  • Le développement de circuits courts favorise des rencontres entre les producteurs, et encourage l’innovation précoce sur de nouveaux produits hybrides
  • Des initiatives comme “Une Bulle, Un Cep” mettent chaque année à l’honneur un duo bière-vin 100 % local lors de marchés fermiers

Au fil des échanges, les frontières se brouillent

Ce dialogue entre brasseurs et vignerons, autrefois discret, est devenu le tremplin d’une originalité locale. Valence incarne aujourd’hui une terre de cohabitation et d’innovation où la bière n’imite pas le vin mais l’écoute, et où le raisin s’enrichit d’une bonne dose de mousse.

Entre barriques partagées, tables mêlées et terroirs conjugués, le voyage du houblon et du cep n’a sans doute pas fini de nous surprendre sur les rives du Rhône. Les traditions s’y rencontrent, s’y frottent et y inventent des saveurs qui ont le goût d’ici… et maintenant, la prochaine fois que vous poussez la porte d’une cave ou d’une brasserie, ouvrez l’œil : les deux mondes s’y font face, parfois pour trinquer ensemble !

En savoir plus à ce sujet :