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Nouveaux brassins, nouveaux horizons : l’avenir des jeunes brasseries à Valence

23/11/2025

Sous pression… mais en pleine effervescence !

Voilà quelques années que Valence et sa région voient fleurir de jeunes brasseries. À La Doudou, L’Arquebuse, La Valentinoise, La Voie Maltée ou l’incontournable La Valentinoise, s’ajoutent chaque année de nouveaux noms qui régalent nos papilles. Quand on sait que la Drôme comptait 4 brasseries en 2012 (Source : ILOBEER) et plus de 35 aujourd’hui, dont une bonne quinzaine dans le bassin valentinois, le dynamisme saute aux yeux — et aux gosiers !

Pourtant, la croissance s’accompagne aussi d’incertitudes. Alors que la bière artisanale pesait à peine 1,5 % du marché hexagonal il y a 10 ans, elle tutoie aujourd’hui les 10 % (Source : Brasseurs de France, 2023). Les brasseries valentinoisent-elles leur avenir ? Quels sont les obstacles, mais aussi les atouts pour se tailler une mousse durable sur ce marché ? Dégorgeons le sujet ensemble.

Bulles locales dans une mer de houblon : état des lieux

Impossible de parler perspectives sans faire un point sur le terrain. Dans l’agglomération de Valence et les communes voisines (Saint-Marcel, Bourg-lès-Valence, etc.), on compte désormais une quinzaine de brasseries artisanales, dont plus de la moitié ont moins de 5 ans d’existence. Et derrière chaque cuve, des profils variés : reconversions de passionnés, collectifs de copains, « néo-brassiculteurs » ou entrepreneurs-nés.

  • Production moyenne : 250 à 400 hectolitres/an pour une microbrasserie débutante locale (source : clusters brassicoles de la région AuRA).
  • Besoins croissants en houblon, dont 55 % encore issus de l’import national ou européen, mais une volonté forte de localiser les cultures (cf. coopérative Houblon Drôme-Ardèche, née en 2021).
  • Distribution quasi exclusivement en vente directe, magasins spécialisés, épiceries fines et événements locaux (marchés, festivals, foires, cave à bières).

Mais sur ce marché granuleux, où la place des mastodontes nationaux reste solide, l’identité locale est la véritable carte à jouer.

Tirer parti d’un terroir à inventer : forces et faiblesses des jeunes brasseries locales

Des atouts indiscutables :

  • Un marché local curieux : selon les chiffres de la CCI Drôme, près de 67 % des consommateurs valentinois déclarent avoir acheté au moins une bière artisanale locale en 2023.
  • L’effet circuit-court : les consommateurs plébiscitent les achats directs ou à la brasserie, souvent synonymes de rencontre et d’authenticité.
  • Le collectif : groupements informels (ex : Valence Bière Réseau) ou opérations communes de communication, mutualisation d’achats auprès de distributeurs locaux comme Auvergne Bière Distribution.

Ce qui mousse moins :

  • Investissements : lancer son unité de brassage requiert au moins 80 000 à 120 000 € d’investissements initiaux (hors local), sans compter l’équipement pour le conditionnement, souvent sous-traité faute de volume.
  • Formation et polyvalence : bien qu’il existe désormais des formations (titre Brasseur de niveau Bac+2, IFBM Nancy), la double casquette communication/production pèse, surtout en phase de lancement.
  • Pression sur les matières premières : le houblon local reste rare (moins de 5 hectares cultivés en Drôme-Ardèche en 2023, source : Houblon Drôme-Ardèche), obligeant à jongler entre plusieurs fournisseurs.
  • Concurrence indirecte : la multiplication des microbrasseries (+12 %/an en France, Source : Brasseurs de France) entraîne une guerre des étagères… même entre voisins.

Quels leviers pour mousser encore ? Stratégies actuelles et futures

1. S’affirmer avec une identité forte

À Valence, le terroir brassicole n’est pas millénaire comme en Alsace ou en Flandres. Qu’à cela ne tienne : plusieurs brasseries bousculent les codes en cultivant une image engagée, bio ou même artistique (artisans du houblon, étiquettes illustrées par des artistes locaux…). La Doudou a par exemple fait le choix dès sa création de n’utiliser que de l’orge drômois pour ses bières blondes, à la grande fierté de ses habitués.

  • Collaborations avec des producteurs locaux (miel, fruits : voir La Voie Maltée et sa Blanche à la verveine du Vercors).
  • Événements brassicoles intégrés dans la vie locale : inauguration de la nouvelle cuvée à la Fête de la Bière, brassins-participatifs et ateliers zythologiques en cave à bière.
  • Labels : « bière de la Drôme », Valorisation AB ou bio européen (même si la certification a un coût… en temps et en argent).

2. Diversifier la palette pour mieux séduire

Côté produits, la créativité est reine ! Sur un marché exigeant, il faut savoir renouveler la carte : bières éphémères, recettes originales (IPA au poivre bio de Madagascar, brunes au piment de la Motte), options sans alcool ou brassins collaboratifs.

  • Développement des bières de garde, barriques et vieillissements « terroir » pour un public amateur de nouveautés.
  • Offre croissante de bières sans gluten ou à base d’ingrédients alternatifs : la demande progresse de +15 %/an depuis 2020 (Source : Brasseur magazine, 2023).
  • Séries limitées à l’occasion d’événements culturels ou sportifs locaux, en collaboration avec des associations valentinoises.

3. Ancrer la distribution locale et viser le tourisme 

Si l’on retrouve désormais les bières valentinoisessur les meilleures tables de la ville, la marge de progression est énorme :

  • En 2022, seulement 26 % des restaurants valentinois proposaient au moins une bière artisanale locale à la carte (Source : enquête Bulles Valentinoises auprès de 41 restaurateurs).
  • Les bars spécialisés se multiplient (La Biérataise, Brewpub de la Drôme, Taproom de l’Arquebuse), mais le référencement en grande surface reste l’exception.

Côté tourisme, la voie est ouverte : avec près de 900 000 nuitées touristiques à Valence et TGV chaque année (Source : Office de tourisme de Valence Romans), la bière pourrait devenir une vitrine de l’art de vivre local, notamment via des circuits brassicoles ou binômes avec des acteurs de la gastronomie.

Les défis à l’horizon pour les jeunes brasseries

Montée en puissance ou plafonnement ?

La filière craft reste fragile, le marché n’est pas extensible à l’infini. On note d’ailleurs un ralentissement de la création de brasseries en 2023 (Source : syndicat Brasseurs Indépendants), avec plusieurs fermetures dans la région. Les raisons ? Augmentation du coût des matières premières (+21 % sur le malt entre 2021 et 2023, Source : FranceAgriMer), hausse de l’énergie… et une concurrence rude.

La tentation du « plus gros, plus vite » guette, mais l’expérience montre que les brasseries n’ayant pas bâti leur clientèle locale ni investi dans la formation souffrent d’un taux de fermeture supérieur à 15 % au bout de trois ans (Source : APESA, 2022).

Formation et professionnalisation : l’atout maître

  • Des initiatives comme le Diplôme Universitaire de Brasseur à la Faculté des Métiers de Valence romanoise (créé en 2022) participent à l’élévation du niveau d’exigence local, et facilitent la mutualisation des compétences.
  • Les brasseurs s’ouvrent de plus en plus à la formation continue, mais la transmission des savoir-faire reste souvent informelle (stages, journées d’immersion entre pairs).

La capacité à innover, mais aussi à maîtriser la réglementation (hygiène, DLUO, fiscalité sur l’alcool) devient vitale. Plusieurs acteurs valentinois regrettent le manque de soutien spécifique aux petites brasseries, comparé à l’aide apportée au secteur viticole par exemple.

L’écologie en filigrane : consignes, local, économie circulaire

La consommation de bière « responsable » progresse. Les consommateurs valentinois, bien ancrés dans la tendance locavore, attendent des initiatives marquées : contenants consignés, collecte de bouteilles, recyclage des drêches (utilisées comme alimentation animale par plusieurs brasseries locales ou compost par l’association Compost et Territoires de Valence).

  • Des projets pilotes de consigne de bouteilles (testés notamment par La Valentinoise sur quelques AMAP locales depuis 2023).
  • Réutilisation des déchets céréaliers pour produire du pain ou de l’énergie, en partenariat avec des boulangers ou la centrale de méthanisation du Malpas.

La jeune filière du houblon local, avec sa quinzaine de planteurs répartis entre Valence et Alixan, amorce sa structuration. Les brasseries y voient un enjeu d’image, mais aussi une opportunité pour créer de nouvelles recettes et réduire leur empreinte économique et écologique.

Valence, laboratoire des bières de demain ?

La vague artisanale continue de mouiller les terres drômoises, même si elle commence à écumer un peu : on voit moins de créations, mais plus de professionnalisme et de collaborations. La jeune génération de brasseurs ose sortir des sentiers battus : bière à la lavande, « smash » 100 % local, collaborations avec des chefs étoilés ou immersion dans des festivals qui font rencontrer bière et musique.

Au cœur de la cité, le dialogue se noue aussi entre brasseurs et restaurateurs, producteurs du terroir, associations de festivaliers ou militants du zéro déchet. L’horizon s’annonce mouvant, mais plein d’ébullition : à condition de miser sur la formation, l’ancrage local, l’écologie et la créativité.

Qui sait, peut-être que dans quelques années, la « Valentinoise » ou la « Doudou » deviendront les nouvelles références nationales, après avoir séduit les papilles de leurs voisins ? Quoi qu’il advienne, impossible de se lasser d’un paysage où chacune et chacun peut, à sa façon, faire mousser le patrimoine valentinois. Après tout, c’est là l’essence même de la bière artisanale : la diversité, la curiosité… et une sacrée dose de convivialité.

Pistes à surveiller pour la prochaine décennie

  • Évolution du marché : vers le haut de gamme, la canette craft et les bières à histoire.
  • Émergence de véritables routes de la bière : balades brassicoles, tourisme pédagogique.
  • Structuration de la filière houblon, pour plus d’autonomie et d’innovation locale.
  • Partenariats avec la restauration : accords mets-bières, brassins gastronomiques.
  • Renforcement du rôle des femmes et des profils atypiques dans la brasserie locale, pour façonner un univers plus inclusif et surprenant.

À suivre, donc, dans votre prochain verre… à Valence, tout reste à inventer, mais tout commence souvent au coin d’un bar ou d’un marché !

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