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Aux sources de la mousse : l’héritage vivant des brasseries historiques de Valence

18/10/2025

L’histoire brassicole valentinois : un patrimoine (presque) oublié

Impossible d’évoquer la bière à Valence sans évoquer cette histoire méconnue qui pétille sous la surface. Si aujourd’hui la Drôme vibre au rythme des microbrasseries, la ville a déjà connu au XIX et au début du XX siècle un riche tissu brassicole. Aux côtés des incontournables cafés, une poignée de brasseries marquaient la vie locale et laissaient derrière elles bien plus qu’un parfum de malt torréfié.

On trouve trace dès 1858 de la Brasserie de l’Espérance, fondée par la famille Chartres, qui fournissait déjà une bière de fermentation basse pour les quais du Rhône. La Brasserie du Parc, quant à elle, s’était spécialisée dans la bière de garde dès les années 1890, profitant de la fraîcheur des caves naturelles de la ville. Selon les archives municipales, à la Belle Époque, Valence comptait jusqu’à cinq brasseurs locaux. [Source : Archives municipales de Valence]

  • 1858 : création de la Brasserie de l’Espérance
  • Années 1890 : essor de la Brasserie du Parc et diffusion régionale
  • 1914-1918 : raréfaction de l’orge, baisse de production de 40% [Source : INSEE, historiques brassicoles]

La Seconde Guerre Mondiale sonne le glas pour la plupart de ces établissements, la standardisation et la pression des grands groupes (on pense à Fischer ou Kronenbourg) relèguent peu à peu les brasseries valentinois au rang de souvenirs d’anciens buveurs. Pourtant, derrière les murs de certaines bâtisses, on retrouve encore (parfois au détour d’un escalier) un ancien panneau émaillé ou un fût transformé en jardinière.

Du malt et des hommes : savoir-faire transmis et revisités

Les microbrasseries valentinois d’aujourd’hui naviguent sur une mer d’innovations, mais nombre d’entre elles ne cachent pas leur admiration pour la rigueur et l’inventivité de leurs prédécesseurs.

S’il est évident que les procédés ont évolué, on retrouve encore chez La Brasserie Artisanale du Valentin ou la Brasserie de la Pleine Lune des gestes ancestraux :

  • L’utilisation de levures autochtones, sélectionnées parfois dans les recoins du Vercors voisin.
  • La réutilisation de recettes historiques, notamment les bières “blondes de garde” adaptées des archives manuscrites retrouvées par les brasseurs.
  • La valorisation des céréales locales (orge de la plaine, froment de Tain) que les anciens brasseurs privilégiaient déjà avant l’ère industrielle.

En 2023, dans une interview à France 3 Auvergne-Rhône-Alpes, le brasseur de la Pleine Lune expliquait : “On s’est inspiré des notes retrouvées dans les registres communaux, où l’on voyait que les brasseurs de Valence maltaient leur orge eux-mêmes. On a voulu leur rendre hommage en adaptant cette technique à plus petite échelle.” [Source : France 3 Régions, 2023]

Les recettes d’antan remises au goût du jour

Souvent, la tradition inspire la modernité. Certaines microbrasseries proposent de véritables “bières hommage” ou réinterprétations :

  • La “Valentinoise ambrée”, dont la recette s’inspire d’un style qui était très populaire à Valence en 1930, avec une dominante de malts caramélisés et une amertume modérée.
  • Des saisons rustiques, peu houblonnées, évoquant les bières servies jadis après la moisson dans la campagne drômoise.
  • Des bocks vieillies en fûts de châtaigner, clin d’œil aux anciens procédés de maturation du XIX siècle.

Ce retour aux sources n’est pas qu’une affaire de goût. Il s’agit d’une redécouverte d’un terroir oublié, et d’un art de vivre qui place le partage et la transmission au cœur du projet brassicole.

Patrimoine vivant : anecdotes et curiosités valentinois

  • En 1906, la Brasserie du Rhône livrait chaque semaine sa “bière brune” en tonnelets jusqu’aux portes du Vercors, au moyen d’une charrette tirée par deux chevaux. Les microbrasseries aiment aujourd’hui rappeler cette anecdote pour insister sur la dimension artisanale, parfois logistique mais toujours passionnée, de leur métier.
  • Dans les années 1920, on vendait à la criée, place Saint-Jean, des soupes à la bière issues des invendus de la brasserie Fortuna : aujourd’hui, certains brasseurs valentinois font encore des ateliers associant bière et cuisine traditionnelle, ravivant ainsi des traditions populaires.
  • Plusieurs microbrasseries locales participent encore chaque année à la Fête des Brasseurs de Valence, qui avait lieu autrefois sur la place des Clercs, rassemblant tout le microcosme brassicole autour de concours d’étiquettes et de dégustations à l’aveugle.

L’innovation à la drômoise : comment les microbrasseries s’inspirent des anciens… et en créent des nouveaux classiques

La microbrasserie, ce n’est pas qu’une histoire de retour en arrière. Bien au contraire, le fil tendu entre la tradition et la nouveauté donne lieu à des expériences étonnantes, toutes empreintes de cet esprit “à la valentinoise” :

  • Collaboration entre générations : certains brasseurs, comme ceux de la Brasserie de l’Ancienne Poste, vont jusqu’à solliciter les descendants des familles brasseuses historiques pour recueillir des anecdotes et parfois redonner vie à de vieux outils (et si un embouteilleur manuel centenaire reprenait du service ?).
  • Innovation sur les matières premières locales : les grandes brasseries privilégiaient déjà l’eau pure de la Bourne ou de l’Isère. Les microbrasseries d’aujourd’hui s’intéressent à la biodiversité des houblons cultivés dans la Drôme des Collines, là où les anciens ne connaissaient que le Saaz ou le Strisselspalt. 15 hectares de houblonnières sont en exploitation autour de Valence depuis 2022 (source : Chambre d’Agriculture de la Drôme).
  • Événements culturels et brassage communautaire : à l’image des “brassins publics” organisés pour les Journées du Patrimoine, qui permettent à tout curieux de mettre la main… dans la cuve.

Le rôle clé de la transmission : oralité, archives et convivialité

Si les recettes et outils sont importants, c’est tout un tissu social et culturel qui se transmet. À Valence, la bière est depuis toujours une histoire de voisinage, de terrasse au soleil et de bousculade joyeuse au comptoir.

De nombreux microbrasseurs locaux racontent que c’est en feuilletant de vieux journaux, en discutant avec des habitants, ou en tombant sur des photos sépia de brassins collectifs qu’ils ont trouvé l’inspiration pour se lancer. La mémoire collective, c’est parfois une soirée de souvenirs au bar de la MJC du Grand Charran, où l’on évoque cette fameuse bière noire servie à la libération…

Aujourd’hui, une nouvelle génération de brasseurs documente à son tour ses expérimentations et ses rencontres : recettes partagées en open source, livres d’or laissés à la disposition des visiteurs, expositions sur la bière et le patrimoine valentinois.

Résistances locales et brassins multipliés : les chiffres-clés de la renaissance

  • Entre 2010 et 2024, le nombre de microbrasseries artisanales dans la Drôme est passé de 4 à plus de 23 (source : Les Brasseurs Indépendants de la Drôme).
  • Près de 68% des microbrasseries valentinois affirment puiser une inspiration directe dans les archives ou les témoignages d’anciens brasseurs (étude CCI Drôme, 2022).
  • 85% des bières produites à Valence par les microbrasseries contiennent au moins un ingrédient local, contre moins de 30% dans les années 1960.

Quand la mousse crée du lien : ouverture sur le futur brassicole de Valence

L’aventure brassicole valentinois n’est ni une nostalgie ni une simple reproduction du passé : c’est un perpétuel mouvement entre respect de l’héritage travaillé depuis deux siècles et envie d’inventer de nouveaux rituels. Derrière chaque bouteille artisanale se cache une histoire qui fait dialoguer les époques.

Les brasseries historiques ont légué à leurs cadettes un sens du partage, de l’expérimentation, et ce goût du contact – des valeurs qui font aujourd’hui la singularité de la scène microbrassicole valentinois. Dès lors, pousser la porte d’une brasserie à Valence, c’est faire bien plus que déguster une bière : c’est aussi découvrir, à chaque gorgée, un pan de l’âme collective de la ville.

Que la mousse continue de raconter l’histoire de Valence et inspire les brasseurs de demain, autour d’un demi, d’une IPA… ou d’un bon vieux bock de caractère !

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